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PETITES REFLEXIONS SUR LES QUATRE FONCTIONS D’UNE TOUR DE DEFENSE

Auteur : Gildard GUILLAUME - Président du Fond de la Tour du Bourg
Publié le : 10/02/2014 10 février févr. 02 2014

Un précédent article a souligné l'utilisation fréquente des tours comme prisons ou geôles. Cette utilisation détournée n'est pas dans les fonctions essentielles d'une tour de défense, fonctions essentielles qu'il s'agit maintenant de développer.

Lorsque, craignant l'attaque d'ennemis, pillards ou bêtes sauvages, une communauté clôt le site de son habitat par une enceinte fortifiée, elle entend d'abord protéger ses habitants en interdisant l'entrée à ces prédateurs. Mais on oublie souvent que les portes ménagées dans le rempart, par une évolution logique de leur administration, permettent autant de contrôler l'entrée que la sortie, d'une part, affectent autant les étrangers que les habitants qu'elles sont censés protéger, d'autre part. Les sentinelles veillant à la porte jour et nuit sont aussi vigilantes vis-à-vis de celui qui demande à entrer que vis-à-vis de celui qui souhaite simplement sortir, étant remarqué qu'en tout état de cause l'habitant qui est sorti reviendra probablement et supportera quelques vérifications tatillonnes. Une porte, quel que soit le sens dans lequel elle s'ouvre, bloque le passage de part et d'autre.

Dans la mesure où elle fait partie de l'enceinte, la tour de défense contribue par sa puissance menaçante à cette fonction de base.

Mais elle assume trois autres fonctions, qu'on oublie trop souvent.

Carrée, rectangulaire ou ronde, la tour est en saillie par rapport aux remparts. Elle permet donc de « l'éclairer », c'est-à-dire, d'en surveiller la partie extérieure, depuis le glacis jusqu'au sommet des merlons du créneau. Alors que le défenseur d'un rempart a une vision nécessairement limitée sur ce qui se passe réellement au pied de la fortification sur une bande de glacis d'à peu près 20 ou 30 mètres, celui qui est placé dans la tour, derrière une embrasure de créneau ou une meurtrière, dispose d'une vision qui n'est pas compromise par plusieurs angles morts.

La Tour du Bourg, rue du Prêche à Saumur (49400), a été édifiée, au XVème siècle, à l'angle quasiment droit que formaient deux remparts, celui joignant cette tour à la tour Grenetière et celui la raccordant à ce qui est aujourd'hui la rue du Prêche. Les défenseurs placés dans la Tour du Bourg avaient une vue très nette sur l'un et l'autre remparts et l'ensemble du glacis qui les précédait.

La largeur d'un rempart n'est jamais très importante. C'était le cas de celui qui constituait l'enceinte de Saumur, dont le chemin de ronde permettait seulement à deux ou trois hommes de se croiser. Un rempart est également exposé aux intempéries. Avec une tour, on supplée l'étroitesse du rempart puisqu'on peut concentrer sur plusieurs étages, en un point névralgique, des troupes et des matériels. De surcroît, la tour permet d'abriter les hommes et de les chauffer, parce qu'elle est dotée de cheminées.

La Tour du Bourg était appelée à veiller sur l'entrée sud de Saumur, marquée par la Porte du Bourg et prolongée par ce qui est aujourd'hui la Grand'Rue. En cas d'attaque brutale en ce lieu stratégique, il fallait pouvoir mobiliser très rapidement pour sa défense des moyens humains et matériels : elle répondait complètement à cet objectif.

Sur un rempart, les hommes sont vulnérables. Ils le sont aux tirs venus de l'extérieur, qu'il s'agisse de tirs directs ou de tirs en plongée. Ils le sont plus encore si ces tirs viennent de l'intérieur de la ville, quand l'ennemi a réussi à pénétrer ou en cas d'insurrection. La tour protège beaucoup mieux les hommes, parce que les merlons et embrasures des créneaux sont autant tournés vers l'extérieur de la ville que vers l'intérieur, d'une part, parce que les étages de la tour sont des abris sûrs éclairés seulement par les meurtrières, d'autre part. La tour peut « combattre » sur 360 degrés.

Quand on a conscience des quatre fonctions essentielles d'une tour de défense, on est amené nécessairement à d'autres réflexions.

Le contrôle à l'entrée ou à la sortie, par la porte d'une enceinte, peut être la source de revenus fiscaux ou douaniers. Les flux de marchandises dans un sens ou dans un autre dépendent évidemment de la politique que l'autorité de contrôle entend mettre en œuvre, de la gestion qu'elle est prête à assurer, des vérifications qu'elle impose. Les flux migratoires eux-mêmes peuvent être impactés, avec les conséquences culturelles, religieuses, sociales qu'on devine. Dès lors qu'il est question d'autorité de contrôle, le pouvoir exercé sur la ville devient déterminant. On remarquera enfin que l'enceinte peut retarder et freiner l'habitat et les activités économiques hors murs : le faubourg, c'est-à-dire le bourg au-delà de l'enceinte, dépend dans le premier temps de son histoire de la gestion de l'enceinte.

L'histoire de France montre que tous les rois confrontés à des frondes ou à des révolutions ont dû abandonner le trône dès lors qu'ils étaient restés à Paris, à l'intérieur de l'enceinte. Adolphe Thiers, homme d'Etat doublé d'un historien, s'est installé à Versailles avec son gouvernement quand il a décidé de lutter contre la Commune : il savait très bien qu'on ne contrôle pas Paris de l'intérieur mais de l'extérieur. L'enceinte peut aussi étouffer l'autorité qui a élu domicile derrière ses murs et s'y croit à l'abri.

De la même manière qu'on éclaire mieux le pied d'un rempart à partir d'une tour en saillie, on protège souvent mieux la cité en affrontant l'ennemi en rase campagne. Quelques années avant la bataille de Poitiers gagnée par Charles Martel, on ignore souvent que le comte Eudes a sauvé Toulouse et brisé net l'invasion en combattant à distance des portes de la ville.

Dès lors que, par les tours implantées sur la ligne de rempart, on peut concentrer des troupes, il existe une tentation naturelle, pour le pouvoir en place, de disposer d'une garnison importante. L'existence d'hommes en armes et en nombre autour d'une agglomération n'est pas, au Moyen-âge et dans les siècles qui ont suivi, une donnée indifférente.

Saumur est devenue une place de sûreté protestante en vertu de l'Edit de Nantes (avril 1598). Elle a été entre 1589 et 1685 l'une des villes les plus importantes du protestantisme français. Henri de Navarre a confié à Philippe Duplessis-Mornay la mission de faire de Saumur, idéalement située et tenant un passage stratégique à la croisée de deux axes, une place de guerre solidement ancrée dans un réseau de fortifications. Les choses se seraient-elles passées de la même façon si son enceinte avait été libre de tours ? La question se pose d'autant plus que, on le sait, la ville ne comptait qu'une minorité de Protestants (25% sur une population évaluée à 8.000-10.000 habitants).

Protégés de l'extérieur et de l'intérieur, les hommes dans la tour sont aussi d'une certaine manière isolés, séparés de la population. A moins qu'on ait affaire à une garde issue de cette population, la limitation du contact et du dialogue peut constituer une difficulté en cas de troubles. Les actions de maintien de l'ordre, encore moins celles de répression, ne s'accomplissent pas dans les mêmes conditions lorsque les acteurs sont socialement, culturellement ou psychologiquement « étrangers ».

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